Ville et campagne: mettons fin à un clivage qui n’a aucun sens

Après le rejet de l’initiative contre l’élevage intensif, le signal est clair: le moment est venu de privilégier le dialogue avec les acteurs de l’agriculture.

Oui, je suis militant écologiste et conscient que l’impact global de l’agriculture sur la biodiversité et les sols n’est pas exemplaire.

Mais je suis aussi un habitant de la campagne, j’ai des vigneron·ne·s, des agriculteurs ou des éleveurs dans mes cercles d’amis, je fréquente beaucoup d’exploitant·e·s dans le cadre de mon travail. Ce que je vois, ce sont les efforts que fait la majorité des agricultrices et agriculteurs et surtout les pressions qu’ils·elles subissent au quotidien pour produire toujours plus et toujours plus beau avec des marges toujours plus rabotées par les distributeurs… tout en étant régulièrement pointé·e·s du doigt de manière virulente pour ce qui fonctionne moins bien.

N’allez pas croire que je suis pour les pesticides ou pour l’élevage intensif. Mais je pense que le moyen le plus efficace de changer les choses, c’est de revoir notre rapport à ce que l’on mange. Retrouver la vraie valeur des produits que l’on achète, arrêter de voir la nourriture comme un simple bien de consommation.
Car au final, quand on reprend conscience de ce que l’on consomme, que l’on prend le temps de se préoccuper de la provenance des produits et du travail fourni par les travailleuses et travailleurs du terroir, le porte-monnaie ne s’en porte pas forcément plus mal, nos papilles retrouvent le vrai goût des aliments et notre esprit reprend conscience que le standard du goût ou de l’apparence n’est pas fixé par les supermarchés.

Oui, il reste une grande marge d’amélioration, je pense que la majorité en conviendra. Mais travaillons main dans la main, parlons-nous, discutons, trouvons ensemble des solutions d’amélioration plutôt que de développer ce clivage ville/campagne qui n’a aucun sens. L’agriculteur n’est pas forcément le pollueur et le citadin n’est pas forcément le bobo qui achète du boeuf du Brésil sans avoir jamais mis les pieds à la campagne !

Commençons par le plus simple: consommons local, privilégions les circuits courts. Et vu le nombre de marchés dans les villes, de marchés à la ferme et autres self-services qui fleurissent partout, nous n’avons plus d’excuse… la pandémie nous a prouvé que nous en étions capables.

Vélo: des infrastructures, pas des gymkhanas svp!

Lorsqu’on roule en vélo, on est régulièrement confronté à des infrastructures dont la cohérence peut être légitimement questionnée. Entre croisements dangereux, pertes de priorité, mélanges de modes de mobilité, incohérences de la signalétique, le stress est constant alors que l’on ne demande qu’une chose: se rendre d’un point A à un point B comme tout autre utilisateur de la route.

Par exemple, la médaille de l’infrastructure la plus ubuesque que j’emprunte régulièrement revient à la route cantonale entre l’EPFL et la Bourdonnette. Sur un tronçon d’environ 2 kilomètres, c’est une succession de pertes de priorité au profit du trafic motorisé, des passages dangereusement près des arrêts de bus desquels descendent des hordes d’étudiant·e·s, des mélanges avec les piétons, des angles avec peu de visibilité, des gendarmes couchés à faire fantasmer Simon Ammann, ou encore des sens cyclables qui s’inversent sans crier gare (oui oui!). Toutes ces situations mettent les cyclistes dans une insécurité et un stress constants, et mènent parfois à des situations conflictuelles qui pourraient facilement être évitées, notamment en autorisant les vélos sur la voie de bus, empruntée par seulement quelques bus par heure aux heures de pointes.

Autre exemple à Echandens, sur la route cantonale entre la Venoge et le giratoire de la Poste :

Entrée et sortie de la route cantonale au niveau d’Echandens
  • D’abord, les cyclistes doivent se déporter sur la gauche de la route pour se placer sur une présélection, juste après la sortie du giratoire (où ils sont déjà très vulnérables et souvent pressés par les automobilistes pour se rabattre à droite de la chaussée): premier danger.
  • Puis traverser la piste venant d’en-face, avec des véhicules arrivant vite au giratoire: deuxième danger, première perte de priorité
  • Après le cheminement de l’autre côté de la glissière (ça c’est bien), retour au milieu de la route: deuxième perte de priorité, troisième danger
  • Et enfin, reprendre la route comme les autres usagers: troisième perte de priorité, quatrième danger

Cela fait un peu beaucoup pour aller simplement d’un bout à l’autre de la route, non ?

Nous les cyclistes voulons simplement aller d’un point A à un point B rapidement et sereinement, sans devoir céder la priorité maintes fois aux autres usagers sous prétexte qu’ils sont plus gros ou plus rapides.

Si vous faites partie des automobilistes qui s’insurgent car les cyclistes n’utilisent pas toujours les infrastructures, demandez-vous pourquoi et dites-vous que si ces dernières étaient sécurisantes plutôt que dangereuses et agréables à utiliser plutôt que pénalisantes, nous le ferions systématiquement.

En menant une politique du « tout voiture » depuis l’invention de ces dernières, on a amené le vélo, un moyen de transport simple réglant beaucoup de nuisances dues au trafic motorisé, à un niveau de complexité incompréhensible.

Les coups de peinture ne sont pas une infrastructure, mais les gymkhanas n’en sont pas non plus.